Le blog de Julien Arbez
24/04/2018
Un été au printemps
Regardez à côté de vos pieds. C’est la course à la floraison chez les crocus ! De taupinières en bords de route, de pleins champs en lisières, ils apportent aux herbes vertes leurs touches blanches et mauves. Cousin du safran, notre crocus de printemps n’offre à manger qu’aux animaux fouisseurs qui viennent se délecter de leurs bulbes. Les campagnols en font partie !
Notre petite hermine, toujours fidèle au rendez-vous, guette ces croqueurs de bulbes et de racines.
J’aime retourner la voir et la rencontrer encore et encore. J’aimerais photographier de nouvelles ambiances, observer des scènes étonnantes, proposer aux yeux d’autres images inédites et originales.
Mais je trouve cet exercice difficile tant la bête est rapide et le décor souvent le même.
Le soleil qui monte chaque jour un peu plus haut n’arrange rien à l’affaire. Dès 10 heures du matin, les ombres se durcissent et la douceur s’évapore peu à peu. Mais je tiens à prendre des nouvelles. Pour le plaisir.
D’autant qu’un couple de milans royaux a débuté la construction de son aire sur une falaise à 150 mètres à vol d’oiseau. C’est une belle opportunité d’observer leurs balais aériens, les allers et retours jusqu’au nid des branches coincées dans le bec.
De temps à autre, leur sifflement caractéristique ma fait lever la tête. L’hermine ne semble guère faire attention à ces grands planeurs plus opportunistes que chasseurs invétérés…
Au cœur de la vielle pessière de petits oiseaux au bec courbé s’agitent eux aussi autour d’un épicéa mort à l’écorce tombante.
Les grimpereaux l’ont choisi pour y faire leur nid douillet de brindilles et de mousses à l’abri des regards. Seuls quelques petits cris très fins et des va-et-vient discrets m’ont alerté de la présence du gîte.
Quand les oiseaux sont posés et immobiles, il devient très difficile de les voir tant le mimétisme est efficace. Ce n’est que lorsque les oiseaux se déplacent en grimpant sur les troncs qu’on perçoit le mouvement de ces boules de plumes de 10 grammes seulement.
Mâle et femelle se relayent sans relâche au futur berceau avec des matériaux divers, le plus souvent du bois pourri arraché directement sur un arbre voisin.
Parfois, faire passer la branchette entre le tronc et l’écorce est un véritable défi ! je me plais à observer l’insistance des oiseaux, leur persévérance à parvenir à leurs fins. Et quand les grimpereaux sont à l’intérieur du nid, on a peine à imaginer que derrière cette écorce écailleuse se cache une petite maison !
Portez-vous bien chers oiseaux, et sous l’œil du renard, vous ferez vivre encore la forêt.
A la fin du jour, dans le chant des grives musiciennes, deux petites têtes masquées de noir et de blanc pointent leur truffe à la sortie du terrier.
Aujourd’hui les blaireaux ont soif d’extérieur et n’ont pas attendu la nuit pour se montrer ! Il est 19h25 quand le premier fait surface dans le sous-bois aux allures de campement.
Après une rigoureuse inspection des odeurs depuis la porte d’entrée, les voilà aux abords du terrier à se gratter et entretenir leur fourrure. J’étais à bon vent lorsque je suis arrivé sur le lieu, mais le vent désormais tourne et l’un d’eux a repéré une odeur inhabituelle.
Après deux retours au terrier suivis de deux nouvelles sorties, ils partiront au trot à travers la pénombre. De limaces et de lombrics ils se délecteront, sous le sourire malicieux de la lune montante.
Et nous, nous dormirons.