Le blog de Julien Arbez
24/01/2019
Résiliences
Les tourbières n’ont jamais un aspect aussi scandinave que pendant l’hiver. A la Pesse, les arbres biscornus par les conditions de vie difficiles serpentent dans leur univers féérique.
Pas très loin de là, une crête exposée aux vents froids joue la symphonie des hautes latitudes. Pourtant elle est dans le mensonge.
Une nouvelle poudrée de neige et voilà les villages qui retrouvent leur image de robustes jurassiens. Les épicéas qui encerclent le bourg des Moussières ont perdu leurs couleurs et leur souplesse.
Les grands prés qui étaient pâturés hier encore ne semblent plus héberger personnes, sinon quelques taupes et campagnols trahis par d’éparses taupinières.
Les vieilles fermes isolées ne font plus les rabat-joie, elles trônent avec fierté dans les affres austères des jours glacés.
Les chevaux qui trainent leurs sabots entre monts et vaux regardent avec stoïcisme les automobilistes qui roulent au pas. Ils ne semblent ni heureux, ni tristes. Ils semblent s’y être préparés déjà depuis des semaines.
Puis la neige revient, décidée à en remettre une couche sur les tiges herbeuses récalcitrantes. Posée sur un piquet à neige le long d’une piste, une buse observe le sol avec patience.
Mais aucun campagnol ne montre le bout de son museau. C’est reparti pour un autre poste d’affût, c’est reparti pour une autre quête. Et pour un espoir de se remplir le ventre !
La faim guette le petit monde qui voit le matelas d’hiver recouvrir la saison. Déjà, les rongeurs ne sont plus visibles, et leurs empreintes ont été dissimulées par les rafales.
Ces temps difficiles sont ceux de la pureté des espaces. A l’heure où les randonneurs sont au coin de la cheminée, à l’heure où les voitures sont garée près de cousines maisons, la tranquillité reprend ses droits. Il est 20h. Le ciel se couvre peu à peu de profonds nuages, serrés comme pour se tenir chaud.
Le lendemain, le soleil dessine des ombres et contraste le tableau. Pour un court moment. Bien vite les nuages regagnent la bataille et adoucissent les nuances.
Sur une vire rocheuse, un chamois tend le cou pour accéder aux bourgeons qui seront sa maigre pitance.
Un groupe de moineaux cherche au pied d’une mangeoire les graines jetées à terre par leurs congénères gaspilleurs.
Et toujours, au pied de la grise falaise, le même renard, dans la même position, scrute du même regard à la fois inquiet et curieux le photographe qui vient lui rendre visite depuis maintenant 3 semaines.
Pas de quoi s’enfuir en courant, le photographe ne tentera pas d’approche. Désormais il connait le rituel.
Goupil peut se rendormir tranquille.