Le blog de Julien Arbez

26/01/2021

QUAND LES ARBRES FONT LE DOS ROND

L’hiver est un pays. J’aime y voyager, le nez pris par le froid et les doigts emmitouflés. J’aime sa blancheur, sa clarté, j’aime sa manière de faire disparaitre du paysage ses points noirs comme autant de véroles.

Les arbres, eux, en ont besoin. Pour sommeiller quelques mois et reprendre des forces, pour se reposer d’un été caniculaire qui les a fait chercher au tréfond de la terre et de la roche l’eau dont ils avaient besoin.

Mais cet hiver, la neige est tombée en quantité en quelques jours seulement. Les cimes alourdies, les branches pesantes, ils luttent pour ne pas céder sous le diktat des nuits glaçantes.

Ils sont nombreux à s’être laissés tomber sur les chemins, les routes, les pistes, les prés environnants. Mettant à nu leurs racines ou s’affaissant dans un fracas lourd et brutal, la peau à vif et le tronc écartelé.

Ceux qui résistent n’en sont que plus beaux encore qu’à la belle saison. Nus, mais parés. Endormis, mais tellement présents. Aucun ronflement, juste le grondement de leurs épaules.

Les rivières ne sont pas en reste. Le dos gelé, elles bouillonnent en secret sous la carapace de glace qui empêche le voyeurisme.

riviere jura

Les bouleaux et les aulnes poussant sur les berges au cœur de la tourbière sont hirsutes et tranquilles. Ils forment un rempart protecteur contre les vents et dévient les flocons.

riviere jura

A la cime d’un épicéa arrondie par le manteau neigeux, un petit oiseau rouge me guette sans un mot. Ce bec-croisé des sapins attend mon départ pour venir chercher sa dose de sel hebdomadaire sur l’asphalte frigorifiée.

Sur un arbre voisin, une grive semble elle aussi en dormance. Elle se rendra sans doute dans l’un des nombreux sorbiers des alentours pour y gober quelques baies sucrées et encore bien conservées.

Un chardonneret élégant s’adonne à la danse artistique malgré lui. La photo permet de décomposer des mouvements et de mettre en lumière la grâce de nos voisins à plumes. Alors le vol n’est plus qu’un moyen de se déplacer. Il est un art, d’un esthétisme bien à lui, une douceur colorée dans un monde en noir et blanc.

Un tarin des aulnes attend goguenard que la neige tombe en poussière du haut de sa branche, après son envol.

Ca matin la pie, cet animal que l’ont dit volontiers moqueur, n’a plus rien de critiquable. Elle apporte sa touche de mouvement et d’imprévisibilité.

Puis le jour se couche et laisse place à la noirceur d’un sombre de lune. Plus qu’une lumière à l’horizon et toutes les étoiles auront regagné le ciel.

Quand au petit matin les hautes-Combes se réveillent, le ciel reprend des couleurs.

Puis ce sont toutes les cimes qui s’embrasent comme les dents acérées de la gueule grande ouverte de Cerbère.

Le vent froid dépoussière la peau de son dos avant que le soleil ne se lève.

Puis les ténèbres se dorent d’un ciel argenté, légèrement bleuté. Le sol s’éclaire de mille étoiles, les cimes pointues retrouvent toute leur douceur.

Le Chalam danse sans mouvement dans ses draps des soie, quelques nuages survolent son crâne chauve pour habiller un peu son âme…

Place pour terminer au roi de la voltige aérienne, au lutin des bois aux oreilles ornées de pinceaux, l’écureuil.

Les images de ses cabrioles en vue d’un bon repas de graines d’épicéa causeront bien mieux que les mots. Accrochez-vous, ça va dépoter !

Alors, ça balance hein ? !