Le blog de Julien Arbez
13/05/2015
Petite histoire de grand tétras
Ce printemps nous sommes rencontrés, le symbole des forêts de mon enfance et moi. C’était un matin ensoleillé, une début mai dans le massif du Jura.
Ce symbole, c’est le grand tétras : un oiseau forestier de la taille d’un petit dindon, pesant quelques 4kg et mesurant près de 80 cm de haut pour 125 cm d’envergure (la poule, beaucoup plus petite, pèse seulement 2,2kg en moyenne). C’est tout ! Un bel oiseau bavard alors que les congénères de son espèce préfèrent fuir l’Homme à son approche.
Lui non. Lui se permet même de le poursuivre, plumes du cou hérissées, queue en éventail, ailes pendantes, en criant des injures que je ne me suis pas permis de vous retranscrire ici. Des véritables « cris de cochons » qui peuvent faire penser à tout sauf à... un oiseau !
Alors pourquoi ce grand-tétras n’a t’il pas fuit à mon approche ? Que sait-on de ce comportement atypique ?
D’abord, faisons les présentations :
Le grand tétras habite le Jura, les Vosges, très localement les Cévennes et une bonne partie de l’arc pyrénéen. Dans le Jura les effectifs sont estimés à 300 et continuent de diminuer d’année en année. C’est des plus gros oiseau des forêts de notre montagne, mais qui doit et sait rester très discret, beaucoup plus qu’il ne pourrait le paraître !
C’est le cousin de la gelinotte que l’on rencontre ici dans le massif, mais aussi du tétras-lyre des ou du lagopède alpin dans les Alpes. C’est aussi un cousin du faisan à qui il laisse les prairies de plaine. Lui, c’est un montagnard !
Durant la belle saison, cet oiseau se nourrit surtout de bourgeons, de baies, d’herbes, d’insectes. En hiver le régime devient draconien avec une sélection 100% aiguilles de sapins ! Pas très nourrissant tout ça ! Voilà pourquoi on nous demande de ne pas quitter les sentiers balisés dans certaines zones en hiver. Un grand tétras qui fuit l’Homme est un tétras potentiellement affaibli qui risque bien de passer à la casserole d’un renard ou d’une martre...
Mais tout ça n’explique pas pourquoi ce coq est fou...
D’abord, il y a les coqs « mous ». Cette particularité comportementale se manifeste de temps à autre. Les spécialistes de l’espèce y trouvent différentes raisons, mais l’une des causes invoquées le plus souvent est la modification des milieux et la chute des effectifs de l’espèce qui induirait cette « désinhibition ».
Un autre type de comportement se manifeste ici : le coq fou, grand tétras agressif qui défend violemment son territoire contre les promeneurs. Dans le Jura cet hiver, 2 autres coqs fous et mous se sont fait connaître. Il semble que ce comportement soit de plus en plus constaté en France puisqu’il touche environ 1% de la population. En forêt boréale d’Europe comme en Scandinavie, seul un sur 1000 des individus sont « touchés », même si cela n’a rien à voir avec une maladie.
Il arrive que certains oiseaux restent fous plusieurs années de suite dans le même secteur, fuyant ses autres prédateurs mais intimidant l’Homme.
Parfois que les coqs fous redeviennent « discrets », se font oublier des promeneurs et n’offrent plus leur chant qu’à leurs rivaux au lever du jour !
On sait bien peu de choses sur l’apparition de ce comportement. Souvent on pense avoir une explication que d’autres observations ou recherches tendent à contredire...
Ce coq-là pour le moment nous dévoile sa parure... mais se garde de nous dévoiler ses secrets !