Le blog de Julien Arbez
10/10/2017
Or en nature
Voici venu le temps de l’or dans les champs ! L’automne s’est installé en un coup de brise, suivi de près par quelques gelées matinales. Un phragmite des joncs a posé ses guêtres dans la vallée de l’Orbe, s’offrant à mon objectif pour la première fois. Une belle surprise pour le bois d’amonier que je suis !
Les vipères se dorent une dernière fois la peau au soleil de Septembre avant de disparaitre pour quelques mois dans le sol avec quelques congénères. Ensemble, elles passeront l’hiver en faisant fi des disputes estivales.
Une jeune, toute jeune vipère, m’indique qu’au moins une reproduction a eu lieu sur la petite colline. Une jeune vipère, pourtant très farouche ! Le temps de tourner la tête pour changer d’objectif et la voilà évaporée comme rosée au petit matin.
L’Automne, c’est la saison des brumes, des voiles dansants sur les cimes, des couleurs qui sautent du sol au ciel, le soir, sous les charmes du soleil couchant.
L’automne, c’est l’arbre qui s’endort, le papillon qui vole une dernière fois, la prairie qui jaunit. L’automne, c’est le repos de l’été. L’automne c’est dormir pour mieux se réveiller.
Dans les gorges du Flumen saute la rivière, entre rochers et entraves boisées. L’eau n’est plus bleue, ni blanche, ni transparente. Elle est brune, forte de mille pierres et cuillers de terre. J’immagine tanguer les poissons dans ce tumultueux vacarme.
Au-dessus de la rivière serpentent les lacets de Septmoncel, de virages en virages, de petits parkings en petits parkings. L’écrin de dorures est magnifique depuis le belvédère forestier des Molunes. C’est étonnant, je trouve du plaisir à photographier une route maintenant !
Dans les pâturages de la forêt du Massacre, vaches et veaux profitent des derniers moments sous les rayons du soleil. Bientôt, la ferme n’aura plus à leur proposer que la lumière de ses blancs néons.
Dans la grande combe résonnent les cris des cerfs amoureux, parfois comme une ode à l’espoir, parfois comme un cri de guerre. Un randonneur non prévenu aurait de quoi avoir la chaire de poule ! L’affaire est à prendre au sérieux, voici venu le temps du brame, voici venu le temps de perpétuer la vie.
Les oiseaux semblent n’avoir que faire de ces cris rauques et répétés. Eux aussi fredonnent, chantent, crient, mais si peu de monde leur porte attention !
Pourtant ils sont là, cachés dans les feuilles jaunies d’un érable, contre les branches d’un jeune hêtre tortillard, ou à la cime d’un immense épicéa aux pives tombantes.
Un pic épeiche a déniché un tronc mort qui servira d’enclume pour y dépecer la pomme de pin qu’il vient d’aller cueillir au sommet d’un bel arbre. Après pas mal d’efforts de manu et bécotention, le voilà qui parvient à coincer son trésor entre deux lamelles de bois mort.
Le voilà maintenant libre de tout mouvement, appuyé sur les plumes de sa queue, devant son repas du soir. A grands coups de bec successifs, non sans méticulosité, il parviendra à extirper les graines du cône devant mes yeux ébahis. Assister à une scène pareille à une distance si courte est une belle récompense !
Et que dire de l’observation d’une poule de grand tétras sur un parterre doré, entre les herbes dont les squelettes jaunis font bonne figure ? Je sais que j’ai la chance de me promener dans une forêt magique, celle de mon enfance, celle qui m’offre à chaque fois une surprise de taille, comme une invitation à revenir.
Quelques jours plus tard, à la même heure et au même endroit, je verrai le coq, penaud, discret, hésitant.
Ce jour-là je suis venu voir le pic tridactyle, je repars avec des images de l’emblème du jura, des forêts préservées, des quêtes infructueuses et maladives.
Puis renaitront les lumières, s’éteindront les oiseaux, se tairont les avions et leurs réacteurs de fer. La lune se lèvera, fidèle, merveilleuse, lumineuse. Comme un répit dans la nuit noire et mystérieuse.
Quelques heures suffiront à voir se lever le jour, les brumes, le pêcheur et le travailleur. A nouveau sonneront les clarines, les klaxons, les chants d’oiseaux. Mais entendrons-nous ces chants d’oiseaux ? Verront-nous voguer les brumes sur le lac endormi ?
Ou verrons-nous simplement la queue à la douane, la température extérieure au thermomètre de la voiture, la une des journaux ?
La vraie une est devant nos yeux. Elle est riche de mille feux et odeurs. La vraie une s’offrira à toi qui vient bien la lire.