Le blog de Julien Arbez
10/10/2016
Mise au point sur la vipère
La pupille fendue à la verticale, le museau retroussé, c’est sûr c’est une vipère ! Voilà une belle observation. Le geste calme mais les idées excitées par la rencontre, je m’approche et m’assois. Elle était là, juste là, mais mon approche pourtant discrète l’a fait fuir.
J’attends. 5 minutes à peine, et voilà un petit museau qui réapparait derrière un caillou moussu. Un arrêt de quelques minutes, parfaitement immobile, et voilà notre belle dame qui ressort timidement de son abri calcaire. Il ne fait pas très chaud et la vipère doit réchauffer son organisme sous les rayons du soleil. La voilà qui sort entièrement de son abri, très délicatement, infiniment doucement, se retourne et repose sa tête sur son corps.
La bête est magnifique. Le corps dentelé d’écailles aux motifs sinueux, les narines en chou-fleur, et cette grâce…
Laissez-moi vous parler un peu de faits et laisser de côté le temps d’un paragraphe mon attirance pour cet animal. D’abord, parlons de sa potentielle dangerosité.
Sachez messieurs dames que vous avez à peu près 15 fois plus de mourir d’une balle perdue à la chasse que d’une morsure de vipère (accidents mortels en France : 634 morts en 20 ans. Décès annuels liés aux morsures de vipères : de 0 à 3 selon le CNRS). D’autant que plus d’une fois sur deux, la morsure sur un humain est dite « blanche », c’est-à-dire sans injection de venin et donc sans volonté de tuer. Facile à comprendre quand on sait qu’elle mettra plus d’une semaine pour refaire le plein et que durant ce temps, elle ne pourra ni tuer pour manger, ni se défendre.
Mais c’est ancré dans nos têtes, dans nos représentations de la nature, dans la Bible aussi. La vipère est considérée comme un animal dangereux, que beaucoup n’hésitent pas à découper en rondelles le long des chemins et des lisières. Chaque village a son « sauveur ». Certains s’en font une spécialité, et sont si fiers de protéger les enfants !
Attention aussi à ne pas croire systématiquement que tous les serpents qui ont la tête triangulaire sont des vipères. Le meilleur contre-exemple est la couleuvre vipérine, qui, comme son nom l’indique, est une couleuvre donc un serpent dépourvu de venin.
Enfin et pour finir, un petit mot sur les fameux « lâchers de vipères ». C’est bien connu, des écolos larguent des caisses de vipères par hélicos. En même temps, c’est pas fût-fût’ un écolo… J’ai trouvé une étude assez complète avec références à l’appui qui démontent sans aucun problème cette légende rurale. Vous la trouverez en partie ici : http://www.herpetofocus.fr/lachers-viperes-legende-6203/
La vipère, moi je l’aime. Elle me fascine et me calme. Celle-ci, je suis partie pas mal de fois à sa rencontre. J’ai appris à la connaitre. Elle a aussi appris à me reconnaitre. Je l’ai approché, à plat ventre, doucement jusqu’à moins de 70cm. Jamais elle n’a montré un signe d’agressivité. Jamais un souffle, jamais une intimidation. Elle est le calme incarné. Elle a toute sa place dans nos écosystèmes. Elle est utile à la nature, elle nous est donc utile. Si nous ne l’aimons pas, au moins, laissons-la tranquille.