Le blog de Julien Arbez
13/12/2016
Le givre à l’honneur
Avant de plonger dans les fééries du givre, revenons quelques jours en arrière pour retrouver Septmoncel dans les brumes de Novembre. L’épais brouillard qui recouvre Saint Claude a débordé sur le plateau. Dans les vallons, les arbres disparaissent puis réapparaissent au gré du roulis...
... et la petite peupleraie qui domine la butte prend alors des allures de forêt enchantée.
Ca y est. Le soleil est de retour, cette fois pour de bon. La nuit a été claire et les fines gouttelettes d’eau qui se sont déposées sur le sol gelé ont givré, tout en douceur. Les prairies vertes se sont teintées de gris, la végétation craque sous les chaussures, les doigts se recroquevillent au fond des gants. Il souffle fort sur Bellecombe et ses fermes. Du haut de la butte, la vue est presque irréelle :
La petite mare des Mouillés, prise dans la glace, a sans doute eu cette nuit la visite d’un renard ou d’une hermine. A sa surface, les potamots et les cressons se sont immoobilisés. Finie la danse de l’été au gré des vaguelettes ! Enfin. Finie pour cet année !
Le long de la route qui relie les Moussières à la Pesse, les piquets de clôture ont revêti leur manteau délicat. Aux premiers rayons du soleil, leur belle parure disparaitra et les piquets retrouveront leurs couleurs bosiées.
Les fruits des cynorhodons ont gelé, et leurs grains urticants sont devenus moins nocifs. Le fameux "gratte-cul" est très riche en vitamine C : il contient entre 500 et 1000 mg de vitamine C pour 100 gr de pulpe, soit 20 fois plus que les oranges. Avis aux amateurs de confiture !
Les faînes, fruits du hêtre, sont tombés au sol, bouche béante. Munies d’un tas de poils accrocheurs, elles ont peut-être fait une partie du voyage dans le pelage d’un sanglier voyageur. Pas besoin d’ailes pour se faire porter par le vent ! Les graines qu’elles enfermaient attendent le printemps pour germer, si elles ne font pas aujourd’hui le bonheur des mulots et des campagnols.
Lorsque le soleil passe par-dessus les cimes, un scintillement multicolore met le pré-bois en fête. A contre-jour, c’est tout une rimbambelle de disques lumineux qui apparait dans le viseur. Et le voyage peut continuer.
A l’entrée de Saint-Claude, les barrières du pont qui passe sur la rivière sont blanchies par les gelées successives. Ici, le givre ne disparaitra pas tant que les températures n’auront pas remonté. Le soleil peut bien être généreux, ses rayons ne parviennent pas jusqu’au fond de la vallée. A l’ombre toute la journée, le petit parking semble enneigé. Et la voiture restée garée pour la nuit devient un nid de dentelle.
Les feuilles de charme tombées sur les tables de pique-nique font corps avec le bois. Petit à petit, elles se font oublier.
Ce matin, j’ai décidé de partir dans la Vallée de la Bienne en repérage des catsors. J’ai fait la route de nuit, monté mon affût flottant dans un parking souterrain de Saint Claude pour arriver aux premières lueurs. Il fait frisquet et les premiers pas dans l’eau sont assez difficiles. Puis la magie opère. J’en oublierait le froid tant l’ambiance est prenante.
Les castors, je ne les aurai pas vus. Mais j’aurai profité encore de ces moments privilégiés, en me mariant avec une nature authentique.
10h30. Sur les berges foisonnantes de végétation, le soleil fait son apparition. Bouleaux, saules, buis et cornouillers deviennent des trésors magnifiques. Mais il faut faire vite car d’ici une heure, l’hiver aura laissé sa place à l’automne. Les sons changeront, les feuilles se ramolliront, les empreintes marqueront dans la terre.
Terminons ce périple givré sur le lac de Lamoura. Aujourd’hui, la glace est épaisse d’une dizaine de centimètres. D’ailleurs, les premiers patineurs se sont fait plaisir il y a déjà quelques jours. Sur ces nénuphars figés dans leur couvercle de verre, se posaient des libellules il y a encore quelques semaines.
Parfois sous la glace, on voit filer un brocheton ou une petite perche. On a du mal à s’immaginer que sous nos pieds, la vie continue ! Les prédateurs continuent à chasser, les proies continuent à se cacher...
La réalité du monde ne tient pas dans un porte-feuilles. Elle tient dans les coeurs de ceux qui veulent bien la regarder. Tout simplement.