Le blog de Julien Arbez

L’aigle doré

Le soleil s’apprête à inonder le Jura.

Enfin il se lève, et durant le début de matinée, souffle sa chaleur sur les forêts engourdies par l’automne.

Les tourbières voient les bouleaux se dégarnir de leurs feuilles pointues à chaque petit coup de vent, comme une pluie d’étoiles.

Les couleurs se montrent, se côtoient et se mélangent dans les sifflements des mésanges huppées.

En lisière de forêt, sur un grand épicéa centenaire, un gros oiseau s’est posé. Le bec fort, la stature imposante, il observe la vallée. C’est l’aigle royal en personne qui me fait le cadeau de sa venue.

Avec ses deux mètres d’envergure, l’aigle royal est l’un des plus grands rapaces prédateurs au monde. Observé de temps à autre sur le massif jurassien, il est nicheur dans l’Ain mais pas dans le département du Jura (en tout cas depuis des dizaines d’années !).

De jours en jours et d’observations en observations, j’ai eu la chance de suivre quelques péripéties de ce maître des airs qui effraie même les plus grands.

D’abord, il s’agit de repérer de localiser son terrain de chasse, ou du moins une partie de ce terrain de chasse. Puis de noter les heures auxquelles je l’observe, pour mettre toutes les chances de mon côté.

Ensuite, je dois localiser les perchoirs. Une douzaine de perchoirs sont régulièrement utilisés. Certains sont inaccessibles et trop loin, tous sont plus ou moins bien situés.

Enfin, monter un affût et le laisser en place durant plusieurs semaines pour qu’à la fois les oiseaux s’habituent et que je puisse « tâter le terrain ». L’endroit est trouvé, j’installe ma tente de camouflage et la place au mieux, en évitant les grosses racines qui traversent la bâche et les branches dansant de l’arbre valsant devant les ouvertures.

Puis attendre que l’aigle revienne sur CE perchoir, celui que j’ai choisi. Tant pis pour le ciel laiteux et le manque de lumière, le jeu en vaut la chandelle. Après des heures d’attente étalées sur plusieurs jours, le voilà enfin ! Immense, majestueux, impressionnant. Je n’avais jamais vu d’aigle aussi près de moi !

En nature, sans le moindre appât (beaucoup d’images d’aigles se font en apportant de la nourriture aux rapaces).

Malgré le contre-jour sur ce ciel couvert de blanc, j’ai le cœur qui bat fort et les mains qui tremblent. Je fais attention au moindre bruit et hésite avant de bouger l’objectif pour changer de cadrage. Durant un bon quart d’heure, l’aigle reste agrippé à sa cime sans me porter la moindre attention. C’est gagné ! Enfin, l’affût fonctionne quoi !

Il se fait houspiller à tour de rôle par les faucons et les buses du secteur, sans parler des corvidés qui semblent lui vouer une haine féroce.

Je le vois régurgiter une pelote, lisser son plumage… L’oiseau reste souvent statique à scruter les environs et les occasions ne sont pas si nombreuses de le saisir dans une position originale.

Après maintes sorties et beaucoup de persévérance, j’ai fait pas mal d’images dont voici mes préférées. En espérant que l’aventure continue !