Le blog de Julien Arbez

06/09/2016

Intimement liés

Porter le nom du Dieu Grec de la lumière et des arts, ce n’est pas rien ! Sur la pelouse d’altitude, l’apollon batifole de fleurs en fleurs. Ce grand papillon protégé a besoin d’hiver froids et d’étés doux pour trouver son bonheur. Il a aussi besoin d’orpin et de saxifrages  pour y pondre ses œufs, après quoi les chenilles se nourriront de leur plante hôte.

apollon

Légèrement plus petit et beaucoup plus répandu, le paon du jour butine lui aussi les fleurs de la prairie. La trompe déroulée, il aspire le nectar des scabieuses sous le soleil de septembre. La chenille a sans doute vu le jour sur un bouquet d’orties à quelques pas d’ici…

papillon paon du jour

Leur voisin le moiré sylvicole est sans doute moins exigent que ses deux cousins puisque la plupart des graminées peuvent accueillir ses œufs et nourrir ses chenilles.

La présence de certaines plantes est donc nécessaire à celle des papillons. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres ! L’effet papillon, vous connaissez ?

papillon moiré sylvicole

J’avance près du lac, les pieds mouillés. Sur son promontoire, une grande libellule surveille les alentours. Enfin… Grande… Il y a 300 millions d’années, les libellules, qui faisaient partie des premiers insectes volants,  avaient une envergure de 60 à 70 cm !

libellule à 4 taches Libellula quadrimaculata

La libellule à 4 taches, c’est son nom, est très territoriale et ne supporte pas la violation de domicile. Entre deux tournées de surveillance, elle s’agrippe à un promontoire, souvent le même, l’œil alerte.

libellule à 4 taches Libellula quadrimaculata

Qu’un intrus entre dans son territoire, et voilà notre dame qui bourdonne, poursuivant à grande vitesse le fautif entre eau et roseaux. 

libellule à 4 taches Libellula quadrimaculata

Pouvant atteindre la vitesse de pointe de 50km/h, elle est aussi capable d’acrobaties : envol à la verticale, vol à reculons… Cette remarquable dextérité provient en fait de la capacité des libellules à battre des 4 ailes séparément et indépendamment.

libellule à 4 taches Libellula quadrimaculata

Mais miss 4 taches ne passe pas à son temps à surveiller son jardin. Entre deux patrouilles, elle guette les moustiques et les moucherons imprudents qui passent à sa portée et dont elle fera son festin. 

libellule à 4 taches Libellula quadrimaculata

Difficile d’imaginer qu’elle a vu le jour dans la vase du fond du lac ! Durant deux longues années, sous forme de larve, elle a été la terreur des têtards et même des petits poissons. Combien sont passés à la casserole avant que mademoiselle quitte les eaux pour sa vie d’adulte au grand air ? Maintenant le cycle de la vie doit reprendre, elle doit trouver un partenaire pour s’accoupler et pondre dans le lac. Pour que d’ici deux ans volent de nouvelles libellules !

libellule à 4 taches Libellula quadrimaculata

Chez le gerris, cette punaise d’eau, le cycle est beaucoup plus court puisque chaque année, deux générations se succèdent à la surface des eaux. Il court il court, le gerris !

gerris

Dans les herbes mouillées qui bordent le petit sentier patiente une belle araignée. Elle attend que le soleil réchauffe son corps, et sèche les ailes des insectes imprudents qui ne parviennent pas encore à voler !

araignée rosée

De toute manière la toile est encore gorgée d’eau, et le piège rendu visible ne fonctionnerait pas. D’ici une petite heure, la chasse pourra commencer… A moins que ces maudits canards ne se prennent les palmes dans ce trésor d’ingéniosité !

toile d’araignée rosée

A propose de canards, voici une petite histoire (tirée d’une histoire vraie !) :

Cette histoire s’est passée il n’y a pas très longtemps. Sur les rives d’un petit lac de montagne, toute une bande de canards avait élu domicile. Cette bande était sûrement la plus heureuse du monde : du matin au soir, entre randonneurs et baigneurs-bronzeurs, la fine équipe passait son temps à manger : des biscuits bio au citron aux morceaux de croissants de la boulangerie d’à côté en passant pas de belles tranches de salami ! Décidément ces bipèdes étaient fort sympathiques !

Mais lorsque l’hiver fut venu, le lac gela, figé par la bise et le givre. Avec la disparition des baigneurs-nourrisseurs et l’apparition de la glace, notre équipe dut quitter le lac. Evidemment !

Ce fut sans doute le périple le plus éprouvant qu’ils connurent. Devenus incapables de se nourrir seuls, la plupart d’entre eux, affaiblis, eurent peine à gagner les étangs de la Bresse. L’un d’entre eux, affaibli par une maladie que lui avait transmis un congénère venu casser la croûte à la même table, dut même abandonner à mi-parcours, battu par les bourrasques et le remord d’avoir cédé à la gloutonnerie.

L’histoire ne dit pas si tous ont survécu. Mais depuis ce jour, les matins d’été, en ville comme en campagne, des panneaux apparaissent çà et là, demandant de ne pas nourrir les canards. Personne ne sait qui les a plantés. Personne. Mais hier matin, au pied d’un nouveau panneau, j’ai découvert des empreintes de palmes…

canard colvert nourrir

Bon forcément, la grenouille vous dira le contraire. Forcément, elle préfère avoir à faire à des canards en surpoids qu’à des canards vifs et batailleurs ! Question de vie ou de mort !

jeune grenouille

Un peu de douceur enfin avec ces vagues en mouvements. Pour plus de légèreté, pour voler avec les poissons…

reflets vagues couleurs

reflets vagues couleurs

reflets vagues couleurs

Quittons maintenant les eaux du lac pour le sous-bois ombragé. Couchons-nous entre les arbres, laissons-nous aller à la contemplation. Les cyclamens, fleurs sacrées de l’amour au japon, fleur emblématique de la beauté en Occident, regardent le sol comme on regarde un mystère.

cyclamen d’europe jura

D’ici quelques jours tomberont leurs graines, qui seront emportées par une armée de fourmis qui assurera leur dissémination. Et le cycle de la vie continuera. 

reflets vagues couleurs

Dans ce monde intimement lié, chaque espèce a besoin de son voisin. Nous y compris. Chacun doit trouver sa place.  De l’insecte minuscule au plus grand des arbres. Nous aussi, nous avons besoin d’eux.

chauve-souris jura