Le blog de Julien Arbez
10/07/2017
Avec les yeux d’un enfant
Ce matin, le soleil sera bientôt au rendez-vous. Laissons-lui le temps d’éclairer les cimes et de passer au-dessus du Noirmont ! Et d’ici quelques minutes, les brumes de la vallée de l’Orbe s’enflammeront en dansant sur le chant des oiseaux.
Ephémères apparats, les gouttes une à une se dissiperont dans les prémices d’une chaleur matinale, libérant les prairies de leurs voiles de fraicheur.
Au cœur de la vallée de l’Orbe la Roche du creux qui délimite la frontière entre la France et la Suisse est désormais sous les feux de la rampe.
Dans les pâturages en pente qui embrassent les tourbières, les ombres dansent elles aussi, si lentement que notre œil ose à peine le soupçonner.
L’Orbe, qui tient son nom des méandres parcourus dans cette vallée (Orbis : courbes), est le visage même d’un paysage en mouvement. La rivière qui alimente le lac des rousses puis le Lac de Joux, disparait dans une perte pour ressortir après plusieurs kilomètres d’errance souterraine en aval de la Dent de Vaulion.
Découvertes en 1964, les grottes auront attendu à peine une petite dizaine d’années avant d’être ouvertes au public, qui peut désormais se rendre dans les grottes sans scaphandre ni grosse peur !
Au cours d’un parcours souterrain mêlant silences, bruits de gouttes, échos et tumultes de l’Orbe, la promenade serpente entre stalactites, concrétions en formes de choux, lacs souterrains et blocs erratiques.
Par endroits, on voit apparaitre l’Orbe sous les passerelles, mise en valeur par des éclairages assez sobres et bien placés. La visite des grottes se termine dans une très vaste salle, « la cathédrale », dans laquelle nous est présenté un son et lumières en guise de désert-rêverie. Je vous invite à aller y jouer les explorateurs, les contemplateurs, les petits brins de rien.
Sortons de terre sans trop nous éloigner des milieux aquatiques. Je vous invite cette fois-ci à pénétrer dans la réserve naturelle du moulin de Vert, dans le Canton de Genève.
Ces anciens méandres du Rhône, renaturés il y a plusieurs dizaines d’années, accueillent désormais une faune et une flore remarquables. Les anciennes gravières sont devenues des étangs plein de vie, de bruits et de couleurs. Ca et là, des grenouilles vertes jouent à cache-cache sur le dos de nénuphars verdoyants.
Des cistudes d’Europe, de petites tortues indigènes, font bronzette sur des troncs émergés qui leur servent de barques. Que l’on s’approche un peu trop (en restant sur les sentiers !) et voilà qu’elles plongent aussitôt pour ressortir quelques mètres plus loin, discrètement, la tête entre deux nénuphars… En y regardant bien, des têtes immobiles me guettent de tous bords. Ces tortues sont plus nombreuses que l’on pourrait le croire !
Mais les stars de la réserve, ce sont sans conteste les lézards et les serpents. Ils y sont omniprésents, et pour peu que les visiteurs soient discrets ou rares comme en ce jeudi matin, il est assez aisé d’en observer quelques-uns si l’on a l’œil attentif. J’ai eu beaucoup de chances ce jour-là en tombant nez à nez avec une magnifique couleuvre d’Esculape, le seul serpent arboricole de nos contrées. Pas de chance, il était au sol ! Mais un rayon de soleil sur son petit museau vert a tout de même permis mes premières images de cet animal mythique, symbole des apothicaires.
Puis se sont succédées les observations avec de nombreux lézards verts et lézards des murailles,
une grande couleuvre à collier qui m’a offert sa mue (1.40 m !),
une couleuvre verte et jaune dont l’œil opaque est le signe du début de la mue, et une vipère aspic peureuse qui me laissera juste entrevoir le bout de sa queue.
Durant plusieurs jours, je repartirai à la recherche des serpents jurassiens en visitant murs de pierres, lapiaz, talus… je retrouverai plusieurs vipères qui s’enfuiront ou au contraire prendront la pose, ainsi qu’une nouvelle couleuvre à collier déambulant le long d’un petit torrent.
Le cœur plein de ces observations, je m’en rentrerai à la maison avec l’envie irrésistible de fare découvrir et apprécier ces petits êtres, comme on apprécie les libellules et leur balai au-dessus des plages.
Sans préjugés, avec les yeux d’un enfant.