Le blog de Julien Arbez
28/06/2016
Après la pluie
Rien de tel qu’un arc-en-ciel pour cloôturer les semaines de pluie qui nous ont été (si gracieusement) offertes ! Ici, le sous-sol calcaire et fissuré a sauvé le Haut-Jura des inondations. Mais il n’en est pas de même sur la plaine doloise où la montée du Doubs a noyé de nombreux terriers de guêpiers et submergé les nids des gravelots et oedicnèmes cachés parmis les galets. Si la météo le permet, les oiseaux les plus téméraires feront sans doute une ponte de remplacement...
A Lamoura, la tourbière déjà gorgée des eaux de pluie et de ruissellement nage dans le bonheur. Les sphaignes qui tapissent le sol sont saturées en eau et jouent leur rôle-tampon, diminuant à la fois le risque d’inondation en aval et de sécheresse estivale. Toutes les conditions sont réunies pour que le célèbre droséra s’épanouïsse !
Les feuilles de cette minuscule plante carnivore n’excèdent pas 5 mm de large. Autant dire qu’il faut la chercher ! Ici, en voilà une. Ici, une autre. Puis trois, quatre. Ca y est ! On a trouvé le repère d’une des plus surprenantes plantes de la tourbière !
Au bout de chacun des cils qui borde sa feuille et lui donne son air tentaculaire, la plante secrète une fine goutte d’un liquide auquel les insectes ne peuvent résister. Un nectar à l’odeur irrésisitible, et un piège mortel pour qui tentera d’y goutter. Ce liquide qui sent si bon n’est rien d’autre qu’une glue naturelle qui permettra au rossilis (c’est son autre nom) de retenir sa proie pour la dévorer.
Le bijou se fait bourreau, et la beauté se fait terreur.Tel est le monde fascinant et impitoyable des tourbières !
Restons parmi les formes et les couleurs et arrêtons-nous une seconde devant ses jeunes pousses d’épicéas. Sur le bas de l’image, on voit de petits points blancs disposés en chapelets sur chacune des aiguilles. Ce sont de minuscules bouchons de cire qui recouvent les stomates. C’est sous ces minuscules orifices que les échanges gazeux s’opèrent et que l’arbre respire.
D’ici quelques semaines, le vert tendre des jeunes pousses sera remplacé par un vert profond, les aiguilles quant à elles seront devenues coriaces. Amateur de sapinette, il est fini le temps de la cueillette !
Nous voilà désormais de retour en Bresse dans cet étang que je crois commencer à connaitre et qui me réserve à chaque fois bien des surprises ! Bien sûr, toutes les rencontres ne peuvent être photographiées, comme ce trop furtif balbuzard pêcheur en chasse dans l’étang ou ce blongios nain chantant sa sérénade au milieu des roseaux.
Ce matin-là, je fais honneur aux jeunes ragondins de l’année, les frères Moustaches. Comme le niveau d’eau dans l’étang est au plus haut, les terriers sont noyés et les jeunes se rassemblent sur des nids de phragmites. Mais une famille (nombreuse !) fait bande à part. ils ont trouvé mieux encore qu’un lit de roseaux : un parterre d’herbes soyeux, inacessible, au coeur du grand étang : Bienvenue sur l’"ile aux ragondins" !
Ils ne sont pas moins de 9 frères et soeurs à roupiller sous le soleil de Juin, l’oeil semi-ouvert et le museau en alerte. Une bien grande famille que celle-ci ! Grâce à l’affût flottant, je peux les approcher sans me faire remarquer, doucement, tout doucement. Mais un adulte qui passe à proximité se met à "vibrer" : Digne du son d’un vibreur de téléphone protable, il prévient sa ribambelle de rejetons d’un danger imminent : Moi. Tous à l’eau !
Mais l’affût ne bouge guère et après un plongeon dans les eaux tièdes du grand étang, les voilà ressortis les uns après les autres pour une séance de toilettage et de séchage au soleil. L’OFNI est toujours là, immobile et silencieux. Le danger peu à peu disparait, la sieste peut reprendre !
Après une sieste de deux bonnes heures entrecoupée d’une pause casse-croûte et de quelques moments coiffures, voilà qu’un premier jeune ragondin se redresse et s’étire.
Tranquillement, sans un bruit, il plonge dans l’étang, suivi de près par sa fratrie. Il est temps de se dégourdir un peu les palmures ! Ce soir au menu, ce sera châtaignes d’eau et tiges aquatiques. Les plus difficiles auront sans doute droit à quelques moules d’eau douce !
Au cours de leur épopée nocturne, il croiseront les autres familles de ragondins installées dans l’étang, visiteront la roselière où chante le blongios et les rousserolles turdoïdes.
Des semaines durant, continuera la ronde des mal-aimés, et se poursuivra la chanson.