Le blog de Julien Arbez
18/09/2025
Entre deux affûts aux musaraignes
9 semaines après la découverte des musaraignes aquatiques, je mets encore la plupart de mon temps à profit pour me rendre dans le ruisseau et les observer. Lors de mes pauses, je m’amuse souvent avec les reflets du lac, pour peu que la brise ou le vent fort fasse danser la surface.
En fonction de la couleur du ciel et de ma position, le paysage change et les teintes avec.
J’aime l’abstraction qui apparait dans mon viseur, le côté très graphique qui ressort de ces images. Ici j’ai le temps, rien à voir avec les petites bêtes que je guettais il y a 15 minutes encore.
Le ruisseau qui rebondit pendant une crue,
le rouge-gorge que je vois grandir de semaines en semaines, tout est bon dans mon évasion.
Une petite virée le long du Rhône à la recherche de reptiles (ce sera bientôt l’hibernation) me permet de voir deux belles cistudes sur un arbre tombé à la renverse, en train de prendre un bain de soleil.
Une troisième cistude, immergée celle-ci, longe la rive et sort la tête de temps en temps. Elle cherche elle aussi une place pour se réchauffer. Dommage pour les photos, elle se hissera hors de l’eau trop loin de moi, je ne verrai d’ailleurs que les roseaux bouger et trahir sa présence dans un recoin du plan d’eau.
Une couleuvre à collier de taille respectable déambule entre les nénuphars, sans doute à la recherche de grenouilles vertes très nombreuses ici.
Les arbres de la berge qui s’illuminent des couleurs chaudes du début de journée transforment la surface de l’étang en nappe dorée.
Dans les prairies sèches qui bordent l’endroit, un petit criquet tout rouge vient de sauter et de laisser transparaitre ses ailes bleues. Il retombe dans les feuilles mortes au sol et je ne le retrouve que lorsqu’il bondit à nouveau. Je n’ai jamais vu pareil criquet je crois.
Après recherche, il s’agit d’un œdipode, ou criquet à ailes bleues, un insecte qui aime arborer les couleurs de sone environnement. Ca fonctionne tellement bien qu’il trouvera sa place dans le prochain livre enfants celui-là !
La nuit tombe, la lune oubliée jusque là fait la belle au-dessus des têtes.
Dans la cabane forestière d’une chère amie à qui je rends visite (Coucou Stef !), une bête fait un vacarme incessant, sans même paraitre se soucier de notre présence à tous les deux.
Un loir, ou plutôt des loirs, qui partagent avec elle sa maisonnette, remuent ciel et terre, ou plutôt plafond et murs, en poussant des cris parfois, en courant partout souvent.
L’automne est là, les lumières s’adoucissent, les senteurs changent, les champignons sortent de terre.
Le ciel parfois s’embrase pour quelques minutes, et je regrette de ne pas avoir sois les yeux une silhouette de hibou ou de chevreuil !
Il y a des rendez-vous qu’on ne manque pas. Celui avec les cerfs en fait partie, la saison du rut ayant débuté dans les forêts alentours.
Alors que je suis posté couché sous un épicéa aux branches tombantes, bien emmitouflé dans ma tenue de camouflage, gants et cagoule bien en place, j’entends un bruit. Qui a fait ce bruit ? Je peux bouger, il est vraiment difficile de me voir sous cet arbre. Je me retourne discrètement, rien. Quand je regarde à nouveau devant moi, la surprise est de taille : un grand-tétras, un beau gros coq venu de nulle part, se trouve à une dizaine de mètres de moi. Le moment est incroyable. J’attends qu’il tourne la tête pour mettre devant mes yeux mon objectif. Il ne bouge pas. Il a senti quelque chose de bizarre. Parfois il regarde dans ma direction, parfois il regarde de l’autre côté. Au loin les cris rauques des cerfs commencent à résonner. Il reste là une dizaine de minutes, presque immobile. J’ai une chance inouïe car observer cette espèce aussi longtemps et avec une telle proximité est très rare. Il se décide à faire quelques pas, piéter çà et là quelques graines, puis s’envole dans un fracas de tétras. Que les cerfs se montrent ou non ce soir, j’ai gagné ma journée !
Durant les trois jours et deux nuits que j’ai passés en forêt, j’ai fait quelques belles observations de grands mâles bien équipés ( !), de biches qui les précèdent toujours les oreilles en alerte. Mais comme souvent avec cette bête-là, les plus belles observations ne font pas les plus belles images, car il y a beaucoup de végétation et voir l’animal dans de bonnes conditions est difficile. Voilà ce que c’est de vouloir faire des images de cerfs en forêt !
Je terminerai cette épopée automnale avec ce magnifique cerf 18 cors irrégulier rencontré à 6h10 dans une clairière alors que je partais m’installer pour un affût. Il faisait si sombre que je voyais encore les étoiles les plus brillantes.
Regardez ces beaux bois de beau gosse ! (image très recadrée)
Je ne vois pas grand-chose. Pas même la couleur de l’herbe ni les petits trous dans le terrain qui m’interdisent de bouger. Les cris percent la nuit.
Que c’est bon d’être ici.